
Cet article s’intéresse à la reconstruction territoriale et au repeuplement de la ville de Saint-Pierre à la Martinique après l’éruption volcanique du 8 mai 1902, qui détruisit la ville et causa la mort d’environ 28 000 personnes. Surnommée « La Perle des Antilles », « La Venise tropicale » ou encore « Le Petit Paris des Antilles », Saint-Pierre, capitale administrative et économique des Antilles, était le produit de transferts européens donnant naissance à une ville incarnant les valeurs de la mère patrie, la France. Propriété de la classe sociale Béké et des colons européens qui détenaient les pouvoirs politiques, économiques et culturels, Saint-Pierre symbolisait la ville coloniale par excellence c’est-à-dire le lieu d’expression de la hiérarchie coloniale.
Rayée de la carte du monde, rayée de la liste des communes en 1910, Saint-Pierre est rattachée à la commune limitrophe du Carbet et une partie considérable de son patrimoine est vendue. Toutefois, passés les derniers soubresauts du volcan, une autre population investit les ruines d’une « Ville martyre » plongée dans un paysage lunaire et se réapproprie ce lieu désincarné pour le faire de nouveau vivre. Une installation progressive mais suffisamment importante pour pousser inéluctablement les autorités coloniales à redonner à ce bout de territoire le statut de commune en 1923 et ce, grâce à la pression constante et déterminée de citoyens et d’élus martiniquais.
Dès les lendemains de la catastrophe, le pouvoir n’est plus à Saint-Pierre, il se décentre vers Fort-de-France. Fort-de-France s’affirme au fil du temps comme la ville coloniale par excellence. Alors, une autre trajectoire se dessine pour Saint-Pierre, une « bifurcation » s’opère.
Qui sont les nouveaux habitants de la ville de Saint-Pierre ? Des indigents qui n’apportent que leur force de travail ? Que furent leurs motivations ? Quels sont les enjeux de la reconstruction post-désastre pour la ville de Saint-Pierre ? Ne faut-il pas voir dans la construction post-catastrophe de Saint-Pierre une opportunité pour les subalternes de la société d’investir d’autres espaces de pouvoir, de participer à un « projet de re-construction »même aux contours flous et diffus ? Existe-t-il alors dans cet espace recomposé une redistribution des pouvoirs ?
A partir des Postcolonial Studies, cet article vise à démontrer que la reterritorialisation de la ville de Saint-Pierre invite à repenser le territoire dans une dynamique postcoloniale.